Toute notre vie, on nous apprend qu’il faut étudier pour obtenir un emploi. J’ai passé des années à l’école, mais on ne m’a jamais enseigné quoi faire ou dit à quoi m’attendre en cas de licenciement. À l’heure où le monde vit une crise sanitaire et économique sans précédent en raison du COVID-19, savez-vous réellement à quoi vous attendre si vous perdez votre emploi ?
- Il y a eu 21,7 millions de licenciements aux États-Unis en 2019.
- La même année, la Deustche Bank a licencié à elle seule 18 000 personnes dans le monde.
- Au 5 avril, plus de 5 millions de salariés étaient en chômage partiel en raison du coronavirus.
Ces chiffres peuvent paraître effrayants, mais ce n’est pas le but de cet article. La vérité est que nous sommes tous susceptibles d’être licenciés au moins une fois dans notre carrière. Ça peut arriver à n’importe qui, à n’importe quel âge et dans n’importe quel milieu. J’ai vécu ma première expérience de licenciement à 25 ans, dans un environnement absolument stable. Je n’y avais jamais pensé, mais surtout je n’avais aucune idée du terrible impact que ça pouvait avoir. Pour vous aider à mieux appréhender le pire, j’ai combiné mon expérience à des statistiques américaines (car il n’y a presque pas de données en Europe). Voici 8 choses à savoir pour mieux vous préparer en cas de licenciement. Voir sources en bas de page.
1. De bonnes performances n’excluent pas le risque de licenciement
Après un an dans une boîte de logiciels, je commençais à m’ennuyer et souhaitais m’éloigner d’une relation toxique avec mon manager. En cherchant d’autres opportunités, j’ai fini par postuler à une création de poste en interne et ai été promue à un poste de plus haut niveau.
À l’époque, je me suis dit « ça y est » : j’avais un salaire nettement plus élevé, et de nouvelles perspectives d’évolution. Enfin, mes études portaient leurs fruits. Je n’aurais jamais cru que six mois plus tard, l’apprentissage, les progrès et le travail que j’avais accompli touchaient à leur fin.
« J’ai réalisé que j’avais besoin d’une personne beaucoup plus expérimentée. Je ne suis pas en train de te renvoyer, je veux que tu reprennes ton ancien poste. »
Ma manager m’a annoncé la nouvelle au téléphone, sans avertissement, sans signe avant-coureur que j’allais être licenciée, même pas lors de l’évaluation de mes performances qui avait eu lieu la semaine précédente. Je n’étais jamais en retard, je faisais mon travail dans les temps, nous n’avions pas de restrictions budgétaires, aucune des raisons de licenciement énumérées ci-dessus ne s’appliquait à moi. Je suis restée sans voix.
D’abord parce que je n’étais pas seule dans la pièce (elle n’a pas eu la décence de me demander à l’avance de m’isoler), et ce n’est pas le genre de conversation que quelqu’un d’autre devrait entendre. Ensuite, parce que ça avait si peu de sens que je ne savais pas quoi dire ni comment réagir. Choquée, mais soucieuse de maintenir une bonne image, j’ai calmement accepté la décision au téléphone, suis sortie du bureau et me suis rendue au parc le plus proche pour verser toutes les larmes de mon corps.
2. Malgré la législation, vous pouvez être licencié sans cause réelle et sérieuse ou faute lourde
Elle a dit qu’elle ne me licenciait pas, mais qu’elle voulait que je reprenne mon ancien rôle, où elle estimait que « l’on aurait davantage besoin de moi ». Tout d’abord, c’est un discours différent de « j’ai besoin d’une personne plus expérimentée ». Ensuite, me demander de revenir à mon ancien rôle signifiait toujours que j’allais être virée de son équipe. Pour moi, ça ressemblait plus à un licenciement déguisé.
Lorsque je lui en ai ensuite parlé, elle s’est presque moquée de moi : « non, tu ne vas pas être virée, Jennifer, tu vas juste changer d’équipe et bien sûr, tu conserveras ton salaire actuel ». Oui, pour un job que je ne veux plus faire. Je n’avais toujours pas eu de réponses claires sur les motifs de mon renvoi. En réalité, j’organisais notre prochaine réunion d’équipe et devais m’envoler pour Copenhague le lundi suivant. Lorsque je l’ai rappelé à ma patronne, elle a répondu de façon confuse qu’il valait mieux que je n’aille pas au Danemark. Vous voyez comme me renvoyer ressemblait davantage à une décision de dernière minute, que mon manque de compétences ?
Me défendre dans les jours qui ont suivi n’a servi à rien. Elle savait que j’étais junior dès le départ, j’ai fait ce qu’elle m’a demandé, et j’ai même été félicitée pour mon travail. Alors qu’est-ce qui a mal tourné et quand ? Je n’ai jamais eu de réponse claire et je voyais bien que ma patronne avait déjà pris sa décision. C’était injuste, mais il ne me restait plus qu’à me faire une raison.
3. Attendez-vous à une avalanche d’émotions après vous être fait licencier
C’est ma faute, si j’avais été suffisamment performante, ils ne se débarrasseraient pas de moi. C’est l’univers qui me disait de redescendre sur terre. Qu’est-ce que j’allais dire à mon entourage ? Je suis quelqu’un de solide, je savais que je finirais par me remettre de ma perte d’emploi. Mais à l’époque, j’avais l’impression que c’était la fin du monde et de mes projets financiers, de voyage, et carrière.
Je me souviens même m’être remise en question et de m’être laissée submerger par l’insécurité et la culpabilité. « Mes collègues ne m’appréciaient pas de toute façon. Je me sentais toujours mal à l’aise au travail et gênée avec eux. Quelle entreprise allait m’embaucher maintenant ? ». En fin de compte, la façon dont chacun vit son licenciement dépend de sa personnalité. Je me souviens avoir ressenti de la honte, de la confusion, de la frustration et finalement de la colère.
4. Gérer sa colère en cas de licenciement est déterminant pour la suite
Merde en fait, je n’ai rien fait de mal. Ils n’avaient aucune raison de me virer. S’ils étaient mécontents, ils avaient 6 mois pour le dire. Comment osent-ils me renvoyer à mon ancien job que je venais de quitter, sans même me faire un retour valide ? J’ai sérieusement envisagé de porter plainte, on ne renvoie pas les gens comme ça, et encore moins par téléphone. Je suis un être humain en fait, bordel de merde.
J’ai de nouveau confronté ma responsable au téléphone et lui ai demandé de m’expliquer les raisons de mon licenciement et les prochaines étapes qu’elle imaginait pour moi dans un e-mail, (on ne pouvait pas se rencontrer puisqu’elle vivait à l’étranger. Mon objectif était d’avoir tout ce qu’elle disait sur papier, puisque je n’avais toujours rencontré aucun RH. En fait, tout ce qui prouvait que j’étais renvoyée de l’équipe, état cette conversation téléphonique. J’avais besoin d’avoir une preuve concrète pour officialiser les choses.
Évidemment, ma responsable n’a jamais envoyé ce mail de d’explication. À l’époque, je pensais que le lui demander était la bonne chose à faire. Mais en fin de compte, cela a eu un impact sur sa décision d’ignorer ma demande de recommandation sur LinkedIn.
5. Préparez-vous à devoir gérer les rumeurs qui courent au sujet de votre licenciement
En retournant au travail dans les jours qui ont suivi, je me suis rendue compte que des rumeurs se répandaient déjà. Comment une conversation téléphonique privée arrive-t-elle aux oreilles de tous ? L’éthique des gens m’impressionne toujours. Je me souviens précisément être assise à mon bureau lorsqu’une collègue toxique m’a approchée (elle me détestait aussi), pensant m’annoncer la choquante nouvelle de mon licenciement. Elle s’en réjouissait dans sa tête, mais faisait semblant de me rendre service. C’est pas une scène tout droit sorti d’une comédie américaine ?
Les rumeurs sont arrivées aux oreilles de mon ancienne manager, qui ne semblait pas mécontente de mon malheur. On pourrait s’attendre à ce qu’elle me laisse le temps de m’en remettre, ou à ce qu’elle m’adresse quelques mots de réconfort. Au lieu de ça, elle m’a pratiquement ordonné de recommencer à travailler pour elle, le jour même, m’accusant de ne pas vouloir travailler si je refusais.
Il a suffi d’une discussion de 20 minutes pour comprendre que je ne retournerais jamais à mon ancien travail. Le pire, c’est qu’en pesant mes options, j’étais ouverte à l’idée de travailler avec elle, juste pour maintenir mon salaire. Mais grâce à son comportement, j’ai vite rouvert les yeux et décidé de quitter l’entreprise. Mon ancienne manager elle, a par la suite décidé d’ignorer ma demande de recommandation sur LinkedIn.
6. Rester en bons termes avec votre entreprise est plus facile à dire qu’à faire
Dans mon cas, il ‘était hors de question que je démissionne. Il fallait que j’en tire quelque chose. J’ai négocié pendant plusieurs semaines avec mon entreprise pour signer une rupture conventionnelle. C’était la meilleure solution, car je ne voulais pas passer des mois aux prud’hommes (après tout, je n’avais pas été virée de manière traditionnelle). Je voulais juste en finir. J’ai convaincu l’entreprise de me dispenser de travailler pendant les trois mois suivants et de me payer quand même, et ai également obtenu des indemnités de rupture satisfaisantes. Alors que je coupais les ponts avec cette entreprise, au lieu de me sentir soulagée et victorieuse, je le vivais comme une punition.
Vous savez ce qu’on dit. Quoi qu’il arrive, soyez professionnel et restez en bons termes avec votre employeur. Être professionnel signifie-t-il qu’on ne peut pas être en colère ? Ma définition du professionnalisme, c’est de donner à son employé les raisons exactes de son licenciement, et de faire un retour constructif sur son travail. Parce qu’être licencié est déjà suffisamment douloureux, les seuls à pouvoir aider les employés, sont les employeurs. Je ne dis pas qu’ils doivent soutenir tout le monde, mais j’ai donné à cette entreprise deux ans de ma vie. Le professionnalisme ne devrait-il pas être réciproque ?
Une autre chose à laquelle vous pouvez vous attendre lorsque vous quittez vos collègues, c’est leur indifférence. Si vous avez la chance de vous être lié d’amitié avec vos collègues, tout va bien, ils vous diront au revoir, vous offriront des souvenirs sympathiques, et vous resterez en contact. Mais d’autres fois, ils ne se préoccuperont probablement pas de votre départ. Soyons honnêtes : la plupart du temps, les gens passent rapidement à autre chose parce que personne n’est irremplaçable.
7. Être licencié peut affecter votre santé mentale
J’ai négocié une bonne indemnité de licenciement et quitté l’entreprise. J’avais de l’argent, mais ma confiance en moi avait totalement disparu. Mes amis ont pour habitude de dire que je suis « sûre de moi”. Mais à l’époque, ma déception dans le monde du travail a atteint des niveaux que je ne pouvais pas affronter et je me retrouvais dans une situation à laquelle je n’étais pas prête à faire face : le chômage. Voilà autre chose, il fallait que j’entame les démarche pour obtenir les allocations chômages ?
Ma situation me semblait si unique que je pensais être la seule personne au monde à faire face à ce type de licenciement. Comment pouvais-je à nouveau faire confiance à quelqu’un sur le lieu de travail ? Qu’est-ce que j’allais dire à mes futurs employeurs ? Comment allais-je surmonter ma colère, mon ressentiment et mon insécurité ? Je vais être honnête, j’ai été déprimée pendant des mois, j’ai beaucoup pleuré et je me suis isolée. J’ai eu de la chance de m’en remettre, mais beaucoup de gens souffrent de troubles dépressifs majeurs (TMD) après avoir perdu leur emploi.
Le chômage a un impact direct sur la santé mentale. Aux États-Unis, les chômeurs sont deux fois plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale que les personnes ayant un emploi. De plus, une étude de 2019 sur la population allemande démontre le rôle du chômage sur la façon dont les Allemands se perçoivent dans la société (statut social subjectif).
8. Être licencié aura un impact sur votre carrière
Commençons par les impacts négatifs. La mauvaise nouvelle, c’est que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de voir leur salaire diminuer dans leur prochain emploi. Nous savons déjà que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est réel : en 2017, les femmes en Europe gagnaient 16 % de moins que leurs homologues masculins.
Mais être licencié peut aggraver la situation des femmes, qui voient leur prochain salaire diminuer de 24 % alors que les hommes connaissent une hausse de salaire de 1,3 %, selon l’étude d’InsuranceQuotes. Ces chiffres sont déstabilisants, quand on sait qu’il est plus facile de trouver un emploi lorsqu’on est déjà en poste.
Heureusement, tout n’est pas déprimant dans le fait de se faire virer. La bonne nouvelle, c’est que cela peut avoir un impact positif sur votre carrière. Pour se remettre d’une perte d’emploi, il faut reprendre du temps pour soi, et repenser sa carrière. De nombreuses personnes créent leur propre entreprise, trouvent une nouvelle vocation ou se mettent à parcourir le monde.
Dans mon cas, j’ai fait une pause, me suis rendue en Afrique pour y redécouvrir le Bénin, j’ai commencé de nouveaux projets et ai fini par m’installer en Allemagne ! Oui, il y aura des moments difficiles, mais en fin de compte, perdre votre emploi ne va pas tuer votre carrière. Vous devez trouver ce qui vous convient le mieux et en tirer le meilleur parti. En prime, vous aurez une bonne histoire à raconter aux recruteurs lors de votre prochaine recherche d’emploi. N’est-ce pas là une façon inspirante de passer de licencié à embauché ?
Comme vous l’avez probablement deviné, être licencié a été l’un des pires moments de ma vie. En rencontrant des personnes qui ont vécu des expériences similaires, j’ai réalisé que tout irait bien. Mais j’ai ressenti le besoin de partager mon témoignage pour sensibiliser les gens et leur dire ce que ça fait réellement. En ces temps difficiles, j’ai le sentiment que tout le monde a besoin de lire ceci. On ne s’attend jamais à perdre son emploi, mais en ces temps très spéciaux, il vaut mieux prévenir que guérir, vous ne croyez pas ?
Avez-vous déjà été licencié ? Si en lisant cet article vous reconsidérez la possibilité de perdre votre emploi, surtout avec le Coronavirus, dites-le-moi dans les commentaires.
References:
- Coronavirus : 5 millions de salariés en chômage partiel – leparisien
- From hero to zero: coronavirus upends livelihoods across Europe – reuters.com
- How Getting Fired Affects Genders Differently. InsuranceQuotes.
- JOB OPENINGS AND LABOR TURNOVER, Bureau of Labor Statistics – bls.gov
- Unemployment and mental health in the German population: the role of subjective social status – ncbi.nlm.nih.gov
- Research proves it’s easier to get a job when you already have a job – qz.com
- Employment: mental health and work – oecd.org