Si vous n’avez pas vécu ces dernières semaines dans une grotte, vous avez dû entendre parler de manifestations mondiales contre le meurtre des noirs aux États-Unis, suite à la mort de George Floyd. Alors que tout cela a commencé par dénoncer les violences policières, le mouvement est devenu un symbole pour les noirs et les minorités du monde entier pour condamner le racisme, sensibiliser aux privilèges des blancs et dénoncer la suprématie des blancs.

Le mouvement BLM s’est étendu dans le monde entier parce que la communauté noire est présente partout et est discriminée partout. N’oubliez pas que nous sommes aussi en Afrique et que le BLM s’applique aussi aux Africains. Puisque j’ai vu peu de réactions de la part des Noirs en Afrique, j’aimerais donc écrire pour le peuple africain dont je fais partie, et qui subit également des discriminations.

L’histoire que vous allez lire m’a touchée au plus profond de moi-même. J’ai passé des semaines à en parler à mes amis et à ma famille, car j’ai été choquée de voir comment un système entier peut discriminer les gens et le justifier si simplement.

J’ai été exposée au racisme collectif lors d’un voyage

Durant l’été 2019, j’ai prévu un voyage de 10 jours au Bénin pour rendre visite à ma mère et mieux connaître mon pays d’origine. J’ai réservé un vol de Paris à Casablanca (Maroc) et un second de Casablanca à Cotonou (Bénin).

Le jour du départ, mon vol, opéré par la compagnie Royal Air Maroc, a eu plusieurs heures de retard, et nous avons fini par atterrir à Casablanca très tard. Super, j’ai raté ma correspondance à Cotonou. Alors que les passagers des autres vols en retard s’adressaient aux agents de la compagnie aérienne, on nous a dit que les prochains vols vers des destinations noires africaines ne seraient disponibles que deux jours plus tard.

Où allons-nous dormir ? Ils ont intérêt à payer ma chambre d’hôtel et à me servir de la nourriture, car je perds deux jours de mon voyage.

Ce que j’ai tout de suite pensé.

L’agent a précisé que nous devions attendre deux jours entiers car il y a très peu de vols disponibles par jour, vers des destinations africaines au départ de Casablanca. Mais ils nous ont assuré que nous serions bien pris en charge. Et c’est là que les problèmes que l’on rencontre en tant que voyageur noir ont commencé.

Ils ont demandé aux détenteurs de passeports européens de suivre un agent qui les conduirait à leur chambre d’hôtel. À ce moment-là, j’étais allée aux toilettes et je suis revenu dans une ambiance de colère de la part des voyageurs. Les titulaires de passeports non européens ont été invités à prendre une navette qui les conduirait à un  » lounge  » où ils pourraient dormir. Un lounge, pas un hôtel.

En tant que citoyenne de l’UE, je me suis sentie coupable du privilège d’avoir un passeport français, mais scandalisée de voir que ces noirs Africains, qui se trouvaient sur le sol africain et se rendaient en Afrique, n’avaient pas le même droit de dormir dans un hôtel. En tant que femme noire, j’ai ressenti de la douleur et de la colère en constatant que des personnes qui me ressemblaient n’étaient pas traitées équitablement. J’ai décidé de rassembler tout mon courage et d’abandonner la chambre d’hôtel pour soutenir mes compatriotes africains. Je n’allais pas rester silencieuse à ce sujet, et j’ai tweeté la compagnie aérienne pour demander une explication.

Nous avons pris la navette et ce que nous avons vu en entrant dans le  » lounge  » était une grande pièce avec des chaises et des canapés durs. C’est là que nous devions tous rester, pendant deux jours d’affilée. C’est là que les familles noires, les bébés, les enfants et les personnes âgées devaient dormir. J’ai perdu mon sang froid et ai appelé tous les passagers à faire un scandale face à cette situation.

@RAM_Maroc puis au lieu de loger tout le monde dans un hôtel vous osez leur proposer une salle de transit ou des familles doivent dormir sur des chaises et canapés. Sans parler de la ségrégation des passeports : seuls les européens peuvent dormir à l’hôtel?

— CallMeJaneBond (@invinciblejane) June 22, 2019

Lorsque nous avons demandé des explications aux agents, ils ont répondu que les citoyens de l’UE étaient autorisés à se rendre dans un hôtel à l’extérieur de l’aéroport parce qu’ils n’ont pas besoin de visa pour entrer sur le sol marocain, contrairement à ces voyageurs noirs africains. Ils ont alors vérifié mon passeport et m’ont annoncé la bonne nouvelle : je pouvais rejoindre mes amis européens à l’hôtel.

Tout ce dont je me souviens de la suite, c’est que moi et d’autres passagers avons protesté contre cette discrimination et demandé un traitement équitable. Lorsque nous avons collectivement refusé d’y dormir, ils nous ont ramenés à l’aéroport et nous ont assuré que nous serions emmenés dans un endroit beaucoup plus agréable. Ce qui montre qu’ils avaient le choix, mais ont préféré nous faire dormir dans ce « lounge ».

L’agent de l’aéroport a dit aux familles de passer par les autorités aéroportuaires pour se rendre à l’endroit « plus sympa » où elles pourraient dormir. Et lorsqu’elles ont essayé, elles ont été escortées à l’intérieur de l’aéroport car les autorités leur ont refusé l’entrée sur le territoire marocain. Avec le recul, je pense que les agents ont voulu leur donner une leçon ou les effrayer en les envoyant délibérément vers les autorités. Ça a bien fonctionné, tout le monde est revenu à l’aéroport et certains d’entre eux ont même dormi sur les sols et les chaises froides de l’aéroport tout en gardant un œil sur leurs bagages.

Voici comment le racisme systémique atteint les noirs africains

Toute cette histoire n’est pas un cas isolé. La même chose est arrivée au secrétaire d’État du Liberia avec la même compagnie aérienne.

Il s’agit d’une discrimination, car même si la loi empêche ces personnes de quitter l’aéroport, c’est la compagnie aérienne qui a décidé de les traiter différemment de leurs homologues européens et américains pour des raisons selon eux liées à leur passeport. Comme quoi il existe des passeports plus forts que d’autres. Regardez cette vidéo pour y voir un témoignage de la façon dont les Africains sont maltraités lorsqu’ils voyagent.

De plus, en regardant la carte ci-dessous, très peu de pays africains peuvent entrer sur le territoire marocain sans visa, contrairement à la plupart des pays occidentaux. La grande majorité des autres pays ne le peuvent tout simplement pas. Je sais qu’une Afrique sans visa est encore en cours de réalisation, mais même dans ce cas, on ne peut pas punir les gens pour leur passeport. N’est-ce pas là un exemple de racisme institutionnel ?

J’entends déjà les gens dire « ce n’est pas de la discrimination, la compagnie aérienne ne fait qu’appliquer les accords politiques de voyage du Maroc avec d’autres pays ». Mais l’accord ne va pas dans les deux sens : Les passeports marocains ne peuvent pas visiter les États-Unis, la France ou la Chine sans visa.

« Ce n’est pas du racisme, car il est basé sur les passeports des gens, pas sur leur race. » Alors pourquoi le Maroc rend-il si difficile pour les autres Africains d’entrer dans leur pays sans visa ? Pourquoi le Maroc autorise-t-il la plupart des pays du reste du monde, mais pas ceux de son propre continent ? Pourquoi le Maroc a-t-il des restrictions de voyage encore plus spécifiques (autorisation de voyage électronique) pour certains pays africains ?

En raison de leur nationalité (passeport) qui fait écho à leur race. C’est la seule explication plausible. Les noirs africains ne sont pas désirés. Bien que le Maroc soit connu pour être une société inclusive, il est encore confronté à de nombreux cas de racisme envers les noirs.

« Ce n’est pas de la discrimination ou du racisme, c’est tout simplement pour des raisons économiques ». Les pays africains ne peuvent donc pas apporter la richesse au Maroc ? Faire payer leur visa aux pays occidentaux serait beaucoup plus lucratif que les Africains.

En outre, si l’on compare le Maroc à son voisin l’Algérie, la politique des visas est complètement différente. L’Algérie autorise très peu de pays africains, mais je ne considère pas cela comme discriminatoire, car elle ne permet pas à la plupart des pays du monde d’entrer sur son territoire sans visa. De même, seuls 9 pays peuvent entrer en Égypte sans visa.

J’en ai assez de l’hypocrisie qui entoure les questions raciales. L’Afrique a une image négative et, par extension, les travailleurs, les réfugiés, les voyageurs noirs africains aussi. Ils sont considérés comme des gens pauvres et impuissants. Ces stéréotypes n’aident pas les Africains qui sont confrontés à des discriminations comme celle que vous venez de lire. Royal Air Maroc sait que la plupart des noirs Africains ne les poursuivront pas en justice ou ne les attaqueront pas et ne seront pas soutenus par leur pays. Ils en profitent et doivent être tenus pour responsables.

Le racisme sous toutes ses formes doit être dénoncé

Pour en revenir à l’histoire que je racontais, elle s’est terminée lorsque j’ai eu la chance de prendre un vol matinal pour Paris puis pour Cotonou, grâce à deux Béninois qui ont fait pression sur le personnel de la compagnie aérienne. Encore une fois, cela montre qu’ils avaient les moyens de nous obtenir un vol, mais qu’ils ont choisi de ne pas le faire. Malheureusement, je ne sais pas ce qu’il est advenu des familles que j’ai quittées. Tout ce que j’ai pu faire avant de partir, c’est leur montrer comment obtenir le remboursement de leurs billets, étant donné les longs retards des vols.

Tout ce que ces voyageurs noirs ont fait, c’est payer leur vol. Pourquoi ont-ils dû être discriminés, alors qu’ils n’avaient rien à voir avec les retards des vols ? Au lieu de reconnaître leur responsabilité et de régler le problème, Royal Air Maroc a rejeté toutes les accusations de discrimination. Tout ce que je pouvais faire, c’était de les dénoncer sur les médias sociaux et de leur envoyer des mails. Mais il faudrait que ces choses aillent plus loin. Je le sais maintenant. Il va sans dire que je boycotterai cette compagnie aérienne pour toujours.

J’ai eu beaucoup de mal à accepter d’être témoin d’un comportement aussi honteux. Reconnaître le privilège de mon passeport a été facile, et je suis heureuse de m’être opposée à cette discrimination, même si elle ne me visait pas directement. Et même si je cite Royal Air Maroc, je ne peux pas qualifier le Maroc de pays raciste. Cependant, ce que j’ai vu jusqu’à présent (y compris le comportement du personnel de l’aéroport) ne m’encourage pas à y aller.

Nous devons reconnaître, dénoncer et condamner la discrimination systémique et le racisme CHAQUE FOIS que nous en sommes témoins. J’espère que cette histoire vous aidera à réaliser que le racisme existe sous toutes ses formes, y compris le privilège du passeport. J’espère que nous pourrons tous nous éduquer sur ces questions et que nous aurons le courage de lutter contre l’injustice. Nous traversons des moments importants. Nous ne pouvons pas ne pas choisir le bon côté de l’histoire. Black Lives Matter, c’est partout dans le monde.

Et vous, avez-vous déjà été témoin de discrimination ou de racisme à cause de votre passeport ou de votre couleur de peau ?

The Author / L'Auteure

Jane

Salutations ! C’est moi qui ai créé ce blog. Au départ, je voulais juste raconter ma vie, puis à force, j’ai décidé que je voulais écrire sur mon expérience de femme, de femme noire, au travail, en voyage… pour que d’autres femmes puissent s’y identifier. J’écris pour encourager et inspirer d’autres femmes à partager les leurs.

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