Pardon pour ce franglais, mais dans cette première série d’interviews de femmes qui m’inspirent, je souhaitais mettre en avant une femme noire qui révolutionne le business en Afrique. C’est en scrollant sur Instagram que j’ai réalisé : en s’attaquant à l’artisanat ivoirien, Assa remplit toutes ces conditions.
On s’est connues dans le cadre d’une année passée ensemble lors d’un MBA en marketing digital réalisé à Paris. À l’époque, nous n’étions pas très proches, mais Assa m’intriguait déjà : je la trouvais charismatique, mystérieuse, discrète. Aujourd’hui, elle mène une triple vie et gère LouNaturel, son business de décoration minimaliste naturelle, bio, en collaboration avec des artisans de Côte d’Ivoire. Découvrons ensemble le portrait de celle qui s’est donné pour mission de rendre l’artisanat ivoirien traditionnel de nouveau « sexy ».
Jane : Hello Assa, alors tu étais surprise par ma demande d’interview ?
Assa : Un peu oui, c’est une première pour moi. Je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de parler de moi mais j’ai accepté parce que je te connais, c’est moins stressant. Et aussi parce que c’est une très belle opportunité que tu m’offres de mettre en avant Lou, merci beaucoup pour ça !
Jane : Je sais que tu as des journées bien remplies, entre le confinement à Paris, le boulot et la famille. C’est aussi ma première fois, alors merci à toi de m’accorder de ton temps. C’est parti, faisons plus amplement connaissance.
Comment s’est déroulé ton parcours depuis la Côte d’Ivoire vers la France ?
Assa : En version courte, je suis née dans une famille de 9 enfants et de parents plutôt aisés. J’ai eu une enfance douce et un parcours scolaire sans embuche. Très sensible à l’univers des technologies innovantes, j’ai commencé ma carrière professionnelle en tant que Business developer chez un intégrateur de solution, avant de m’expatrier en 2008 en France.
Peux-tu nous parler de 3 moments dans ta vie qui t’ont marquée ?
Assa : À 3 ans j’ai été atteinte d’une grosse infection osseuse qui a mis 6 ans à guérir. J’en garde encore des séquelles physiques comme psychologiques, mais c’est aussi ce qui a fait la personne que je suis aujourd’hui.
Le deuxième évènement et aussi le plus douloureux c’est la mort successive de mes proches, j’ai perdu mon père, ma mère et ma petite sœur ces 5 dernières années.
Le troisième est le jour où j’ai tenu ma fille pour la première fois dans les bras, c’est ma plus belle expérience de vie. Elle est exactement comme je l’avais imaginée.
Quelle est la chose la plus folle que tu aies jamais faite ?
Assa : Je me suis mariée en secret sans informer mes parents !
Jane : Il faudra que j’ajoute « surprenante » à ta description ! Rires.
Quel est le dernier bouquin que tu as lu ?
Assa : L’enfant noir, Camara Laye. C’est un roman autobiographique dans lequel l’auteur, alors petit garçon, décrit sa vie dans la Guinée Conakry des années 50. C’est aussi un bel hommage à sa mère et à toutes les femmes noires, à travers elle.
Comment t’est venue l’idée d’entreprendre et de créer LouNaturel ?
Assa : J’ai toujours aimé créer. Avant Lou, j’avais déjà tenté l’aventure entrepreneuriale, mais le projet n’a finalement pas abouti car le produit était beaucoup plus technique qu’il ne le paraissait : j’avais pour ambition de créer des soutien-gorges couleur chair pour chaque carnation de peau noire. Je n’étais pas prête. Pour Lou, le déclic s’est produit en 2016 au cours d’un voyage en Côte d’Ivoire. Alors que je ne m’y attendais pas du tout, je suis tombée sur un village de tisserands dans la savane au nord du pays et ça a été le coup de foudre immédiat.
Après une première collaboration avec ces tisseurs de père en fils pour la décoration de mon appartement, j’ai décidé d’aller plus loin en lançant Lou, mon entreprise d’objets pour la maison. C’est une marque éco-friendly d’objets intemporels, qui a pour but de mettre en avant la culture et l’artisanat ivoirien traditionnel. Je développe les collections à Paris et les fait réaliser en très petites séries par les artisans des campagnes ivoiriennes, dans des matières 100 % naturelles et brutes. Ce sont des pièces rares car très peu d’artisans exploitent encore cette filière.
Jane : J’adore l’idée du soutien-gorge, à l’image des produits Fenty de Rihanna. Si ça n’existe pas encore, il faudrait l’inventer !
Assa : Eh bien figure-toi que ça existe désormais chez Nubian Skin, il faut d’ailleurs que je teste !
C’était important de travailler avec des artisans africains ?
Assa : Oui c’est l’essence même de Lou, et j’insiste vraiment là-dessus. Il s’agit de mettre en avant l’artisanat ivoirien traditionnel ancien, ce qui exclut les artisans aux techniques modernes que l’on trouve dans les grandes villes africaines ou l’artisanat destiné aux touristes.
Les artisans traditionnels se trouvent le plus souvent dans les petits villages reculés. Le but est de les aider à vivre de ces savoir-faire ancestraux et par la même occasion, préserver notre héritage culturel. L’artisanat ivoirien authentique n’a malheureusement plus la côte en Côte d’ivoire car ça fait « blédard ». Mon but avec Lou c’est de le rendre de nouveau sexy.
Tu es passionnée de jardinage et sensible aux questions écologiques. Comment Lou s’inscrit dans cette démarche ?
Ma mission et ma vision avec ce projet, ce n’est pas de faire de l’argent, mais plutôt d’encourager nos artisans à perpétuer ces savoir-faire ancestraux en les rémunérant au juste prix. Et faire entrer un bout de nature et de culture ivoirienne chez les gens à un prix raisonnable.
La Côte d’ivoire a malheureusement perdu 90 % de son couvert forestier en moins de 60 ans, ce qui en fait l’un des pires exemples de déforestation à l’échelle mondiale.
Nous mettons la protection de l’environnement au cœur de notre démarche en ne produisant que des objets 100 % biodégradables et non traités. Pour la même raison, nous avons fait le choix de ne livrer qu’en Europe afin de limiter notre empreinte carbone. Et enfin, nous plantons un arbre en Côte d’ivoire par article fabriqué, pour faire face à l’urgence climatique à laquelle ce pays est confronté.
Tu as déjà un job, tu es aussi maman, et en plus tu es chef d’entreprise. Comment fais-tu pour gérer tout ça ?
Assa : Sincèrement j’ai dû redéfinir mes priorités et faire des choix. À part les sorties avec mon amoureux et les activités en extérieur avec ma fille, je ne sors presque jamais et je ne vois personne.
« J’ai dû sacrifier ma vie sociale »
Le partage des tâches à égalité au sein de mon couple m’aide aussi beaucoup dans mon organisation au quotidien. Ma journée de travail est rythmée par les réunions avec mes équipes et les clients pour qui nous déployons des solutions de réseaux et de technologies de l’information. C’est un secteur qui me passionne alors je ne vois pas le temps passer.
Je travaille à 4 stations de métro de chez moi, plus de 2 jours de télétravail et j’ai une grande autonomie dans l’organisation de mon travail, ce qui me permet de concilier facilement vie privée et vie pro. Je m’occupe de Lou pendant mes temps libres et le soir quand ma fille est au lit. On s’impose quand même des soirées en amoureux et une soirée par semaine sans écran.
Jane : En tant que femme noire, tu m’inspires à créer un business au Bénin (dont je suis originaire). Mais j’ai un peu peur de me lancer en Afrique.
Quel conseil donnerais-tu aux femmes qui n’osent pas se lancer dans l’aventure entrepreneuriale ?
Assa : Il y aura évidemment des moments difficiles. Ma principale difficulté avec Lou, c’est la collaboration à distance : je fais tout par WhatsApp, et ça c’est très compliqué. Mais l’avantage de ce mode de fonctionnement c’est que ça limite l’impact carbone de mon entreprise.
« Regardez ce qui vous apporte de la joie »
Mais la vraie réponse à cette question, c’est la passion. Personnellement, si je n’aimais pas ce que je faisais, je ne l’aurais pas fait, que ce soit pour Lou ou pour mon activité salariale. Fouillez au plus profond de vous et regardez ce qui vous apporte de la joie, ce qui suscite votre intérêt, et faites-le. La passion nous dynamise et c’est cette énergie qui fait venir le succès beaucoup plus facilement. C’est aussi ce qui me permet de rêver un jour de faire de Lou un grand concept store à Paris.
Jane : Merci beaucoup pour ce bel entretien Assa, tu étais la candidate parfaite pour ma première interview. Pour moi qui arrive à peine à gérer un seul job et qui n’ai pas d’enfants, ce que tu fais est un exploit : tu es une vraie Jane Bond et je suis fière de ce que tu fais pour l’artisanat ivoirien. Je suis sincèrement heureuse de mieux apprendre à te connaître. Tout comme moi, je suis sûre que ton parcours inspirera aussi nos lecteurs.
Découvrez les produits Lou : lounaturel.com
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