Je suis née au Togo mais ai vécu au Bénin jusqu’à l’âge de 10 ans. Je n’ai que quelques souvenirs de mon enfance là-bas, mais je crois qu’elle était agréable. Cela n’a pas vraiment eu d’importance puisque ma famille a soudainement déménagé en Europe.
Lorsque mes deux sœurs, ma mère et moi sommes arrivées en France, ma vie a changé radicalement. Je me suis donc habituée à parler avec l’accent français, à manger français et à assimiler la culture française. Mais ce qui est dramatique, c’est qu’avec le temps, j’ai oublié d’où je venais. J’ai oublié comment parler le Fon (la langue locale), j’ai oublié les membres de ma famille restés au Bénin ainsi que l’histoire du pays. Entre 10 et 17 ans, je n’y suis retournée qu’une seule fois, pour de courtes vacances en famille. Et à l’âge adulte, je suis revenue en 2017 pour le mariage traditionnel de mon frère.
Ce n’est qu’près avoir été licenciée l’an dernier que j’ai décidé de rendre visite à ma mère au Bénin. Je ne partais pas en voyage pour renouer avec mes ancêtres, mais 2019 est devenu malgré moi mon “année de retour”. Ce témoignage est très personnel car je me suis surprise à partir en quête de mes racines. Il est aussi évidemment biaisé, mais j’espère que vous montrer une partie de ce que j’ai redécouvert au Bénin vous donnera envie de voir les choses étonnantes que ce pays a à offrir.
1. L’innovation made in Bénin
Cotonou (la capitale économique) ne ressemblait en rien à ce dont je me rappelle de mon enfance. La ville investit aujourd’hui dans la construction d’infrastructures et de nouvelles routes et rues en béton. Certains quartiers peuvent facilement être confondus avec les villes occidentales. L’utilisation de la technologie au Bénin a également progressé. Pour avoir accès à internet, il me suffisait d’envoyer un SMS à mon opérateur et pour me déplacer dans la ville, je pouvais simplement commander un taxi depuis mon téléphone.
De nos jours, le e-commerce fleurit également via la puissance des réseaux sociaux et les jeunes Béninois talentueux ont davantage d’opportunités. J’ai également vu beaucoup d’entreprises appartenant à des « yovos » (étrangers blancs en Fon) et ai réalisé que les gens investissent au Bénin. Mais ce dont je suis le plus fier, c’est de voir la montée de l’entrepreneuriat chez les jeunes et les efforts du gouvernement pour promouvoir le tourisme. Nous avons toujours la pauvreté, l’éducation, le chômage et les inégalités entre les sexes, mais le progrès dont j’ai eu un aperçu m’a fait envisager de vivre là-bas.
2. Le mode de vie des Béninois
Les Béninois prennent leur temps. La vie telle que je la connais en Europe est dense et stressante. Au Bénin, les gens ont peut-être moins, mais ils semblent plus heureux. Une fois, j’ai vu un groupe de garçons créer leur propre terrain de foot et improviser un match dans la rue. L’atmosphère qu’ils ont créée était aussi bonne que celle des matchs professionnels. Cela montre qu’il y a une certaine liberté à vivre là-bas.
Le plus dur lors de mon séjour de 20 jours a été de ne pas pouvoir prendre une douche chaude. C’est tout ! Ok, peut-être que je ne pouvais pas supporter la vue de petits lézards dans ma maison. Mais à part ça, j’appréciais la simplicité de ne pas manger de produits alimentaires transformés, de dépenser moins, d’aller à la plage ou au marché facilement. On peut faire tout ça en Europe, mais avec plus de complications.
Il n’y a rien de plus facile que d’acheter de l’essence au Bénin sans avoir à sortir de son véhicule.
J’ai suivi la Coupe d’Afrique des Nations de 2019 où, pour la première fois de l’histoire, le Bénin a éliminé l’équipe marocaine. Le pays tout entier était en ébullition, ce qui a alimenté mon expérience. J’ai même encouragé l’équipe nationale de foot (les Écureuils du Bénin – je sais !) à ma façon.
Le mode de vie du Bénin repose sur ses habitants, et ils sont plutôt directs une fois que vous avez passé le cap des salutations. En grandissant en France, je me suis toujours demandée quel genre de personne je serais si j’avais vécu au Bénin. Même si je ne le saurai jamais, je pense que j’aurais pris davantage confiance en moi. Les jeunes Béninois que j’ai rencontrés sont assez directs dans leurs discours, mais aussi très amusants, instruits, ouverts d’esprit et aiment les débats.
3. Le street art et l’artisanat du Bénin
Je me suis souvent promenée dans la ville et y ai trouvé des graffitis et tags superbes. C’est parce que depuis 2013, Cotonou célèbre le festival annuel du street arts et rassemble des créateurs d’Afrique de l’Ouest et de France. Leur but est de faire de la ville de Cotonou un musée à ciel ouvert avec des graphes qui représentent l’histoire de l’Afrique.
Les photos ci-dessus sont des images de graphes sur lesquels je suis tombée par hasard, mais quand je retournerai au Bénin, je visiterai les street arts de la gare centrale de Cotonou et la fondation Zinsou qui abritait autrefois de nombreux artistes béninois. Elle a maintenant dépassé le domaine de l’art africain et travaille à promouvoir l’éducation, le développement social et la lutte contre la pauvreté.
Le centre artisanal de Cotonou est également un trésor d’artisanat traditionnels comme les marionnettes faites à la main, les poupées vaudou, les masques en bois sculpté et les batiks. Les touristes sont invités à observer et à interagir avec les artisans, les peintres, les cordonniers et les couturiers dans leurs ateliers. Comme dans tout autre pays africain, je recommande de négocier ses achats, même si les prix sont raisonnables pour les Occidentaux.
4. La nourriture béninoise (à s’en lécher les doigts)
Comme Cotonou est situé dans la côte sud vers le golfe de Guinée, sa population dépend beaucoup du commerce de la pêche, ainsi que de l’agriculture. C’est pourquoi de nombreux plats béninois sont composés d’une pâte cuite à base de maïs, d’igname ou d’autres féculents. Mon plat préféré est sans aucun doute « Agoun » : une pâte d’igname avec une sauce au beurre de cacahuètes (voir la photo ci-dessus). Elle est fabriquée à la main par les cuisiniers qui la broient manuellement à l’aide d’un pilon et est souvent accompagnée d’une sauce, de légumes ou de viande.
La ville de Cotonou regorge de street food. J’ai un point faible pour le maïs grillé avec de l’eau et de la chair de noix de coco.
5. Les plages relaxantes mais animées
Cotonou est située sur le littoral du Bénin, la ville dispose donc de nombreuses plages. J’ai surtout traîné dans les bars de Fidjrossè et mangé des fruits de mer en sirotant des cocktails avec ma mère. Le week-end, les plages sont bondées de jeunes et de familles qui viennent profiter de l’air frais et des activités sur le sable.
Personne ne se baigne à la plage. Ce n’est pas recommandé au Bénin en raison des forts courants. En effet, de nombreux jeunes meurent de noyade dans les mers africaines et le Bénin manque d’infrastructures pour assurer la sécurité des baigneurs. Étant moi-même mauvaise nageuse ça ne m’étonnerait pas que la population craigne l’eau à cause des fortes marées.
6. La vie nocturne au Bénin
Comme je traînais avec ma cousine qui a grandi à Cotonou et connaît beaucoup de gens, je n’ai pas eu à chercher où aller. Nous avons passé beaucoup de temps sur le toit de l’hôtel Home Residence. C’est l’endroit où il faut être si vous voulez avoir une vue sur la ville et il offre tous les services que vous pouvez attendre d’un bar européen. Bien qu’il soit plutôt cher, c’est un excellent lounge et restaurant pour se détendre entre amis ou en couple. Dans la Haie Vive, il y a de nombreux bars et clubs où passer la nuit. Le quartier est principalement habité par les Yovos et c’est aussi là qu’ils traînent.
Comme tout le monde, les Béninois aiment s’amuser, faire la fête et boire. La musique est aussi un élément essentiel du mode de vie béninois, c’est pourquoi ils fréquentent les « maquis », des bars locaux où ils peuvent se détendre et siroter par exemple la bière la Béninoise. Je n’ai mangé que dans quelques maquis, mais je vais certainement essayer d’autres endroits à l’avenir.
7. La vie en dehors de Cotonou
Je me rappelle avoir fait un voyage scolaire à Ganvié quand j’étais enfant et avoir été terrifiée par l’eau. Comment une ville entière pouvait-elle vivre, dormir et travailler sur des pilotis ? En y retournant avec ma mère, j’ai adoré chaque seconde de mon passage. La ville, aussi appelée la « Venise africaine », est surprenante à tous les niveaux. Mais j’ai appris à y aller doucement avec les photos, les locaux n’aiment pas ça.
Je suis aussi rapidement allée à Porto-Novo (la capitale culturelle du Bénin), pour assister à un événement, mais je n’ai pas eu la chance de visiter la ville. La prochaine fois, si Covid-19 me le permet, je me rendrai au musée de la ville, je visiterai le lac Nokoué, la ville de Gogotinkpon, le parc national Pendjari et bien plus encore. Il y a tant à voir et à faire au Bénin que je suis étonnée de découvrir la diversité et la richesse des sites et de la culture du Bénin.
8. Mes racines et l’héritage culturel du Bénin
J’avoue que je ne connaissais pas beaucoup l’histoire du Bénin. Je me souvenais très peu de ce que j’avais appris à l’école primaire. Mon voyage à Ouidah, situé à quelques kilomètres de Cotonou, a donc été une bonne occasion d’en apprendre davantage sur mon pays d’origine.
La porte du non-retour
En une journée, j’ai fait suivi la route des esclaves et visité la Porte du non-retour, symbole de la Traite négrière. Sur cette plage, des millions d’Africains de l’ouest ont été marqués, sélectionnées et réduits en esclavage. Ils ont été enchaînés, forcés de quitter leur pays et envoyés en Europe et en Amérique pour travailler et y être traités comme une espèce inférieure, simplement à cause de la couleur de leur peau. En me tenant devant la porte, j’ai été très émue de constater que malgré (ou à cause de) l’histoire, le racisme est toujours bel et bien vivant.
J’ai aussi découvert plus tard que la famille de mon père avait toujours vécu à Ouidah. Il est difficile de connaître ma généalogie, mais il y a de fortes chances que je sois une descendante d’esclave. Je n’avais jamais pensé à cela auparavant parce que mon père ne fait pas partie de ma vie. Donc je ne pouvais pas savoir. Mais toute cette histoire m’a fait penser que peut-être, juste peut-être que je devrais le contacter pour en apprendre plus sur mes ancêtres.
Je n’ai pas visité le temple des pythons parce que je suis très mal à l’aise avec les serpents. Ce lieu est le symbole de l’histoire de Ouidah et beaucoup vouent un culte aux pythons royaux. Quand je retournerai au Bénin, j’irai y faire un tour, surtout maintenant que je sais que ce sont des serpents non venimeux.
L’héritage vaudou du Bénin
En 2013, il y avait 11% d’adeptes du Vaudou ou Vodoun (qui signifie Esprit en fon) au Bénin. En arrivant, on m’a conseillé de ne jamais prendre quelque chose de la main des gens, ni de ramasser de l’argent par terre, mais plutôt de prier pour la protection de Dieu. Je ne sais pas si c’est surtout de la superstition, mais j’ai du mal à me convaincre que tous les Béninois ont tort de croire au Vaudou. Après tout, je ne vis pas là-bas, eux oui et ils savent probablement mieux que moi.
Avant, le vaudou me faisait peur parce que je ne comprenais pas cette religion et sa perception dans le monde est très négative. Mais au Bénin, tout le monde semble y croire alors j’ai décidé de m’informer davantage sur le sujet. Ouidah est l’un des meilleurs endroits pour assister aux rites vaudou et parler à ses adeptes, je devrai donc tenter ma chance la prochaine fois que je m’y rendrai.
L’art et la maîtrise du cheveu afro
Les cheveux afro nécessitent un traitement spécial et au Bénin, il est facile de repérer les salons de coiffure. J’apprécie vraiment la culture de la beauté au Bénin et j’ai adoré me faire coiffer par des professionnels. Ils ont un savoir-faire exceptionnel dans la coiffure des cheveux crépus à un prix très juste. J’étais soulagée de pouvoir laisser d’autres personnes s’en occuper sans stress. En Europe, j’ai eu trop d’expériences ratées. Pour nous, femmes noires qui voyageons, ça vaut le coup de le mentionner, n’est-ce pas ?
L’eau chaude n’oublie jamais qu’elle était autrefois froide.
Proverbe africain qui signifie que vous devez savoir d’où vous venez afin de déterminer où aller.
Pour conclure sur mon expérience d’enfant béninois vivant en Europe, reprendre contact avec mon pays d’origine a été la meilleure décision que j’ai prise depuis des décennies. Me rendre au Bénin a vraiment renforcé ma confiance en moi et m’a montré de nouvelles perspectives à un moment de ma vie où j’étais coincée. C’est une expérience que je souhaite à tout le monde.
Mon mode de vie européen m’avait rendue sceptique quant à la possibilité de m’amuser et de profiter de mon séjour au Bénin. Mais en fin de compte, j’ai tiré bien plus de profit que mon voyage en Inde par exemple, car j’ai ressenti un lien personnel avec ce pays. Apprendre à connaître mes racines est psychologiquement enrichissant et je sais que je parle au nom de beaucoup d’enfants africains d’Europe qui ne connaissent pas leurs racines.
Aujourd’hui je suis convaincue que nous pouvons construire une Afrique encore meilleure si les enfants africains réinvestissent dans leur pays d’origine. Cela passe notamment par le mouvement Buy Black et d’après ce que j’ai vu au Bénin, nous sommes définitivement sur la bonne voie ! Parce que nous sommes tous des enfants d’Afrique, il est peut-être temps de revenir. Qu’allez-vous visiter en premier au Bénin ?
Update : Je suis retournée au Bénin en période de Covid
Oui, c’était clairement la meilleure décision que j’ai prise en 2020. Je suis partie avec ma sœur et son fils, ainsi que mon amie de l’époque. Voici un petit reel pour vous donner un aperçu de mon séjour d’un mois, prolongé de 20 jours en période de Covid-19 et des fêtes de fin d’année.