Être noir et voyager,
c’est sans cesse se faire rattraper
par sa couleur de peau.

Qui ne rêve pas de parcourir le monde ? J’ai commencé à l’âge de 19 ans et me suis rendue en Espagne d’abord, puis à Taïwan, puis en Chine avant de décider de ne jamais arrêter. Je ne savais même pas que “traveling while black” (être noir et voyager), ce concept américain était en fait un vrai sujet pour les noirs du monde entier. C’est ma mère qui, avant de me laisser partir, me posait toujours la même question, avec son accent béninois :

Mais tu es sûre qu’ils aiment les noirs là-bas ?

Comme si j’aurais pu le savoir avant de partir. À l’époque, je n’avais aucune mésaventure ou mauvais souvenir de voyage. Mais chaque fois que je rentrais en France,  j’avais une vague réponse à cette question et avec le temps, j’ai appris que seuls d’autres noirs pouvaient s’identifier à certaines de mes expériences à l’étranger.

Si vous êtes noir et souhaitez voyager mais êtes inquiet de la façon dont vous serez perçu à cause de votre couleur de peau, eh bien ne le soyez pas. Comme je l’ai dit plus haut, la seule façon de répondre à vos inquiétudes est de partir. Cela dit, si vous visitez des régions qui sont susceptibles d’avoir peu de noirs, il vaut mieux vous préparer mentalement à recevoir un traitement spécial. Surtout en ce qui concerne le point #3.

Soyons réalistes : les gens peuvent avoir des comportements vraiment inappropriés. Le monde doit commencer à mieux traiter les noirs, qu’ils soient américains, africains, caribéens ou européens. Bien que ça ne soit pas mon rôle de refaire l’éducation de tous, je tiens à m’exprimer sur ces 5 expériences qui me dérangent particulièrement lorsque je pars en voyage, en plus de mes quelques conseils pour y faire face.  

1. Être noir et voyager, c’est attirer l’attention sur soi

photographes être noir et voyager
Image de PublicDomainPictures

Je suis tombée amoureuse de l’Asie après avoir visité Taïwan et rencontré des locaux très respectueux. Je m’attendais donc à recevoir le même traitement lors d’un voyage en Chine. Grosse erreur ! Shanghai, que je pensais être une grande ville cosmopolite et avancée était en fait le QG de paparazzis autoproclamés et de gens qui touchaient mes tresses et ma peau sans mon consentement. Comment vous expliquer le malaise…

C’est vraiment surprenant au début parce que vous ne savez pas s’ils vous traitent comme un animal de zoo ou si vous êtes vraiment la première personne noire qu’ils aient jamais vu. Honnêtement, même dans ce deuxième cas, je préfère encore qu’on m’observe de loin. Alors ça va, j’ai été patiente et gentille parce que je suis calme de nature. Ou était-ce plutôt parce que je me sentais obligée de donner la meilleure image possible des personnes noires ? Bien que j’espère avoir facilité la tâche des prochains voyageurs noirs qui passent par là, je me rends compte que je ne devrais pas avoir à faire ça pour que les gens nous acceptent. Mais ça, c’est un débat pour une autre fois.

Précisons quand même que tous les Chinois n’agissent pas de la sorte. Certains ont observé les faits d’un air exaspéré et m’ont même conseillé de décliner les demandes de photos. Finalement, cette expérience m’a quand même permise de rencontrer des gens cool, notamment des personnes blanches qui ont vécu des situations similaires. Mes 6 mois passés en Chine, n’ont pas été de tout repos psychologiquement, mais c’est une expérience que je ne regrette pas, bien au contraire ! 

Donc, mon conseil lorsque vous vivez cette situation de malaise est de garder votre calme dans la mesure du possible et d’essayer de tirer le meilleur parti d’une situation qui vous échappe complètement. Car malheureusement, que vous le vouliez ou non, les paparazzi prendront des photos de vous, même en cachette.

2. Être sans cesse comparé à une célébrité

homme noir lunettes noires
Image de StockSnap

Si au moins on me comparait à Beyoncé ou Michelle Obama … J’ai rencontré des gens qui m’ont comparé à un célèbre joueur de basket américain. Les mots-clés ici sont bien ”un” et basket”. Je vous laisse faire l’équation.

Je comprends que certaines personnes cherchent simplement user de la flatterie, mais quand vous voyez dans leurs yeux qu’ils croient réellement être en face d’Oprah, vous vous rendez compte qu’il y a quelque chose qui cloche…

Il est tout à fait normal d’être curieux de quelqu’un qui est physiquement différent de soi. Mais de là à me comparer à une célébrité qui n’a rien à avoir avec moi, reconnaissez l’absurdité de la situation. Lorsqu’une jeune femme explique qu’elle est américaine, il serait normal que les gens mentionnent tout de suite Trump ou Cardi B parce qu’ils font l’actualité américaine. Par contre, proclamer qu’elle ressemble à Obama ou Kobe Bryant qui sont tous deux des hommes, n’a aucun sens… 

La plupart du temps, j’ignore ce type de commentaires. Malheureusement, les gens désagréables font aussi partie de l’expérience de voyage. Certains vous toucheront ou prendront des photos sans votre consentement, et à la campagne, d’autres se couvriront même le nez ou changeront de siège lorsque vous entrez dans le métro. Ne le prenez pas trop personnellement. J’ai cherché à comprendre ce type de comportement, sans succès. Maintenant, je ne perds plus mon temps et le qualifie simplement d’ignorance parce que c’est la seule réponse sensée, et la seule réaction acceptable dans ce monde.

3. Être noir et voyager, c’est devoir justifier son identité


I am queen gif

Devoir montrer sa pièce d’identité à d’autres voyageurs (souvent occidentaux) ou locaux n’est juste pas drôle. Quand je dis que je suis Française, je ne devrais pas avoir à expliquer pourquoi. Sérieusement, c’est quoi le problème des gens ? Une fois, j’ai dû expliquer à un Américain rencontré à Taïwan, que tous les Français ne sont pas blancs. Il n’arrivait pas à s’en remettre et demandait sans cesse : « mais tu viens d’où en vrai ? ». Les Européens noirs existent depuis des siècles ! Alexandre Dumas ça vous dit quelque chose ? 

Si lors de votre voyage vous vous retrouvez dans cette situation, je recommande de brièvement mais fermement raconter les origines de vos parent. À mon avis, c’est le moyen le plus rapide de mettre fin à la discussion. Mais si vous connaissez une solution qui vous donnera la paix de l’esprit, faites-nous une faveur et partagez-la dans les commentaires.

4. Être noir et voyager, c’est subir des commentaires et actes racistes

racisme gif

Ceci n’a rien de nouveau étant donné que beaucoup de noirs subissent des discriminations dans leur propre pays. Par contre, quand on part en vacances, on cherche la paix. Malheureusement, être noir et voyager quand on est un homme augmente les risques de se faire agresser en vacances ou d’être contrôlés avec plus d’insistance par les autorités aéroportuaires. Les femmes, elles, se voient parfois refuser l’entrée d’un bar ou encore le service d’un restaurant. Certaines femmes (pas seulement noires) sont même prises pour des prostituées et d’autres subissent des attouchements. C’est dégueulasse. Et comme si les gens ne suffisaient pas, il s’avère que les machines aussi peuvent être racistes !

Nous vivons dans un monde où les noirs ne se sentent pas en sécurité et la négrophobie continue de sévir. Si vous craignez pour votre sécurité, n’hésitez pas à surfer sur Internet pour trouver des commentaires de voyageurs noirs, parcourez les réseaux sociaux et les forums pour demander leur avis aux gens et aux habitants de votre pays cible.

Vous pourriez même envisager de contacter les agences spécialisées dans le “Black Travel” (agences dédiées aux voyageurs noirs) si vous pensez vous sentir plus à l’aise et en sécurité. Ce n’est pas pour rien que le “Black Travel Movement” se développe et que les groupes Facebook d’entraide comme “BlackPackeuses” (dont je fais partie) rencontrent autant de succès. Voici d’ailleurs l’interview d’une des créatrices du groupe, qui raconte son expérience de voyageuse noire.

Les difficultés de voyager quand on est une femme noire

« On a refusé de me servir dans un restaurant en Croatie, on me mettait la main au fesse au Cambodge et en Russie on pensait que mon passeport belge était faux. » Rosanna nous raconte ses galères de voyageuse noire.

Publiée par Vews – RTBF sur Lundi 10 février 2020

5. Être noir et voyager, c’est être incapable de trouver des produits adaptés

femme noire produits cheveux
Image de imediatv7.co.uk.

Je fais principalement référence aux produits cosmétiques pour les noirs. Si en France et plus particulièrement à Paris, on trouve des magasins « exotiques » à tous les coins de rue, ce n’est clairement pas le cas pour le reste du monde.

Imaginez que vos bagages restent coincés au milieu de nulle part, vous êtes censé assister à une importante réunion de travail à Copenhague, où vous rencontrerez des gens importants. Dans cette situation, n’importe qui voudra apparaître sous son meilleur jour, arborer de beaux cheveux coiffés, un joli maquillage, des vêtements professionnels.

Une femme blanche aux cheveux lisses pourrait simplement se rendre dans un magasin et acheter ce dont elle a besoin ou aller chez le coiffeur. La femme noire, elle, n’a pas forcément ce privilège car elle trouvera difficilement du maquillage type fond de teint adapté à sa peau foncée, et ne serait pas en mesure d’aller chez le coiffeur car même en Europe, les salons de coiffure lambda ne savent pas ou ne veulent pas avoir à faire avec des cheveux afro.

Mon conseil ici est assez explicite, apportez tout ce dont vous avez besoin, que ce soit une perruque, votre beurre de karité ou lotion pour le corps, vos huiles capillaires (coco, avocat les incontournables) et après shampoings, gels etc. Prenez tout ce qu’il vous faut pour maintenir votre “Black Girl Magic”, mais en quantité raisonnable.

Une dernière chose…

Entre nous, je pourrais continuer cette liste en vous parlant de la peur du racisme en voyage, qui est définitivement un frein pour certains ou encore des gens qui cataloguent tous les noirs comme étant pauvres et ne pouvant se permettre de voyager. Mais je préfère m’arrêter là, parce que tout n’est pas juste noir ou blanc en voyage.

Heureusement, lorsque vous rencontrez une autre personne noire, une lueur d’espoir surgit de nulle part. Il suffit d’un seul échange de regards pour vivre cette magie, ce sentiment de fraternité et de solidarité qui n’a ni langue, ni origine. Souvent, s’ensuit un signe de tête ou un sourire qui en dit long : « merci d’être là » ou encore “on se sait, frère”. Rires. #brotherhood

Black Travel Matters. Chaque expérience provenant du fait du noir qui voyage compte : les positives et les négatives. Il nous appartient d’en tirer le meilleur. Prenons exemples sur Jessica Nabongo, la première femme noire à avoir parcouru tous les pays du monde. Dans ses récits elle raconte avoir tout vu et tout entendu, mais la leçon qu’elle en tire est de ne jamais laisser ces obstacles nous empêcher de kiffer. Voyager, c’est explorer, rencontrer des gens, apprendre de leur culture, de leur langue et de soi-même. Finalement, le meilleur conseil que je donnerais aux intolérants que j’ai pu rencontrer à l’étranger, est de voyager. Il n’y a vraiment pas mieux pour cultiver tolérance et ouverture d’esprit. Envoyez-leur aussi l’infographie ci-dessous, ça va peut-être les faire réfléchir.

être noir et voyager infographie
N’oubliez pas d’épingler, partager et tweeter 🙂

Enfin, je ne peux pas terminer cette section sans mentionner « Traveling While Black » (Green book, sur les routes du sud). Ce film inspiré de la vie réelle, décrit comment les voyageurs afro-américains étaient traités à l’ère de Jim Crow. Quelqu’un a eu l’idée de faire un « Green Book” pour aider les “nègres” à trouver des endroits où dormir et manger lorsqu’ils traversaient les états-unis, dans un contexte où noir et blanc ne pouvait se mélanger. Allez regarder ce film qui est juste hyper touchant, avec l’excellent Mahershala Ali et Viggo Mortensen. Matez ça et revenez me dire ce que vous en avez pensé !

Alors lequel des points mentionnés avez-vous vécu ? Cet article vous a-t-il rassuré ou au contraire inquiété ? Dites-le-moi dans les commentaires et assurez-vous de le partager avec vos amis noirs.

Read this article in English.

2 thoughts on “Être noir et voyager, c’est vivre ces 5 trucs chiants [infographie]

  1. Coucou Jane,

    Merci d’avoir partagé mon interview.
    Ton article est super bien écrit et je me suis retrouver dans chacun de tes 5 points. Et oui m, heureusement qu’il y’a des nouveaux mouvements qui aide à se sentir moins seul et à se soutenir ❤️

    1. Hello Rosanna, Merci à toi pour ton témoignage qui met en lumière ce qu’on vit 🙂 Et heureuse que l’article t’ait plu ! Hâte de suivre tes aventures en voyage <3

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